Pour sa tragédie d’Hippolyte, Euripide utilise dans la dramaturgie le dispositif scénique particulier et très cloisonné du théâtre grec (c’est aussi ce qu’il fait dans le Cyclope ou dans Médée). Le lieu scénique comporte en effet plusieurs espaces de jeu : l’orchestra, place arrondie insérée au milieu des gradins : c’est là qu’évolue le Chœur ; derrière, on trouve sans doute dès l’époque d’Euripide un proskènion, estrade qui est le lieu d’évolution des acteurs ; puis la skènè, soit le bâtiment de scène qui ferme l’espace, muni de portes qui peuvent s’ouvrir pour laisser apercevoir l’intérieur, mais aussi bien rester fermées, ne laissant échapper que des cris ou des bruits indistincts.
C’est à l’intérieur du palais figuré par le bâtiment de scène que la Nourrice de Phèdre est censée révéler à Hippolyte l’amour coupable de sa belle-mère, tandis que Phèdre et le Chœur sont à l’extérieur. Ce moment intense est mis en valeur par un kommos, passage où la voix du personnage se mêle au chant lyrique du Chœur (v. 565-597). Phèdre, sur le proskénion, perçoit les éclats de voix qui sortent des portes fermées ; elle demande au Chœur de faire silence pour mieux entendre :
En effet, le Chœur, plus éloigné de la porte que Phèdre, ne peut percevoir nettement ces cris, et le public encore moins. Phèdre l’invite donc à s’approcher :
Mais d’un point de vue dramaturgique les choristes ne peuvent quitter leur espace propre pour rejoindre Phèdre : c’est à celle-ci, qui se tient près de la porte fermée, de répéter ce qui se dit à l’intérieur :
Phèdre rebondit alors sur l’adjectif σαφές (net) :
Ce qui passe, par des relais puissants, depuis Hippolyte derrière la porte jusqu’à Phèdre, puis au Chœur, puis au public, c’est le déshonneur de Phèdre ainsi publié et répandu. Il ne reste plus, pour parachever la scène, qu’Hippolyte sorte du palais et prenne à témoin de l’infamie de sa belle-mère la terre et le soleil mêmes.