Renatus : born again. Le terme est employé dans la Vulgate à propos de la régénération par le baptême (1). Mais dès l’Antiquité païenne, le mot caractérisait les religions à mystères. Ainsi Apulée (2) l’utilise pour raconter le retour à la forme humaine de son héros Lucius, qui avait été transformé en âne. Dès le début celui-ci savait que pour conjurer l’effet du philtre magique dont il s’était oint par erreur, il devrait brouter quelques pétales de rose. Toutes les péripéties comiques et picaresques du roman ont pour but et pour effet de retarder cette guérison.
C’est la déesse Isis qui la lui apporte à la fin, dans une épiphanie nocturne. Elle apparaît comme une déesse-mère, dans un syncrétisme où les déterminations égyptiennes de la déesse s’effacent quelque peu : elle est une déesse de la fécondité comme Déméter, mais aussi une divinité lunaire. On peut regretter qu’à ce moment le ton de ce roman vigoureux et savoureux change du tout au tout : il se fait fade et amolli ; le portrait d’Isis, d’un art achevé, est plein d’une grâce désincarnée :
Il ne s’agit pas ici de la régénération symbolique apportée par une sorte de baptême, mais d’une d’une conversion miraculeuse. Le rite, l'initiation viennent après : ils ne sont que les conséquences de la métamorphose et du retour à l’humanité. On trouve dans ces récits comme une constante du discours religieux, à rapprocher de la notion chrétienne de la grâce, mais qui ne laisse pas d’inquiéter aussi, tant il y a là un point d’appui pour le prosélytisme et les manipulations des prédicateurs d’aujourd’hui. De fait, on voit Lucius sous l’emprise de la secte isiaque qui, à force de pressions, de rites initiatiques jamais achevés, de grades à passer, finit par lui extorquer le peu qu’il possède. Seul son talent d’avocat lui permettra de survivre. Tel est l’effet de lecture inattendu que provoque aujourd’hui ce texte dont la dévotion paraît pourtant sincère et profonde.