Micrologies

Born again


Renatus : born again. Le terme est employé dans la Vulgate à propos de la régénération par le baptême (1). Mais dès l’Antiquité païenne, le mot caractérisait les religions à mystères. Ainsi Apulée (2) l’utilise pour raconter le retour à la forme humaine de son héros Lucius, qui avait été transformé en âne. Dès le début celui-ci savait que pour conjurer l’effet du philtre magique dont il s’était oint par erreur, il devrait brouter quelques pétales de rose. Toutes les péripéties comiques et picaresques du roman ont pour but et pour effet de retarder cette guérison.

C’est la déesse Isis qui la lui apporte à la fin, dans une épiphanie nocturne. Elle apparaît comme une déesse-mère, dans un syncrétisme où les déterminations égyptiennes de la déesse s’effacent quelque peu : elle est une déesse de la fécondité comme Déméter, mais aussi une divinité lunaire. On peut regretter qu’à ce moment le ton de ce roman vigoureux et savoureux change du tout au tout : il se fait fade et amolli ; le portrait d’Isis, d’un art achevé, est plein d’une grâce désincarnée :

Iam primum crines uberrimi prolixique et sensim intorti per diuina colla passiue dispersi molliter defluebant. Corona multiformis uariis floribus sublimem destrinxerat uerticem, cuius media quidem super frontem plana rutunditas in modum speculi uel immo argumentum lunae candidum lumen emicabat, dextra laeuaque sulcis insurgentium uiperarum cohibita, spicis etiam Cerialibus desuper porrectis conspicua Tunica multicolor, bysso tenui pertexta, nunc albo candore lucida, nunc croceo flore lutea nunc roseo rubore flammida […].


Tout d’abord, sa riche et longue chevelure, légèrement bouclée, et largement répandue sur sa nuque divine, flottait avec un mol abandon. Une couronne irrégulièrement tressée de fleurs variées enserrait le sommet de sa tête. En son milieu, au-dessus du front, un disque aplati en forme de miroir, ou plutôt imitant la lune, jetait une blanche lueur. A droite et à gauche, il était flanqué des volutes de deux vipères à la tête dressée, et au-dessus s’inclinaient, en outre, les épis de Cérès. Sa tunique, de couleur changeante, tissée du lin le plus fin, était tour à tour blanche comme le jour, jaune comme la fleur du crocus, rougeoyante comme la flamme. (Trad. P. Vallette.)

Il ne s’agit pas ici de la régénération symbolique apportée par une sorte de baptême, mais d’une d’une conversion miraculeuse. Le rite, l'initiation viennent après : ils ne sont que les conséquences de la métamorphose et du retour à l’humanité. On trouve dans ces récits comme une constante du discours religieux, à rapprocher de la notion chrétienne de la grâce, mais qui ne laisse pas d’inquiéter aussi, tant il y a là un point d’appui pour le prosélytisme et les manipulations des prédicateurs d’aujourd’hui. De fait, on voit Lucius sous l’emprise de la secte isiaque qui, à force de pressions, de rites initiatiques jamais achevés, de grades à passer, finit par lui extorquer le peu qu’il possède. Seul son talent d’avocat lui permettra de survivre. Tel est l’effet de lecture inattendu que provoque aujourd’hui ce texte dont la dévotion paraît pourtant sincère et profonde.

1. Jean, 3, 3.
2. Métamorphoses XI, 16, 4.



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