Micrologies

Les Sorcières de Macbeth


Selon Stephen Greenblatt (1), l’opacité et le mystère des personnages de Shakespeare sont produits par un « procédé d’exérèse » : la suppression du mobile de l’action. « Les spectateurs ne savent pas pourquoi Hamlet simule la folie, ni pourquoi Iago déteste Othello, ni pourquoi Lear veut mettre à l’épreuve ses filles. »

Le cas de Macbeth, cependant, est quelque peu différent : ses mobiles semblent très clairs : s’il veut tuer le roi Duncan, c’est que « poussé par sa femme, il veut s’emparer de la couronne ». Mais ce désir de meurtre le plonge dans la confusion :

Ma pensée, où le meurtre n’est encore qu’irréel,
Ébranle tant l’unité de ma nature humaine
Que ses fonctions sont étouffées par les chimères
Et que rien n’est que ce qui n’est pas (I, 3).

Au cœur du personnage, dans son for intérieur, s’ouvre donc un « espace de ténèbres », lié à la « présence obscure des sorcières, dans sa propre conscience comme dans tout l’univers de la pièce, et qui laisse irrésolues toutes sortes de questions : « Sont-ce les sorcières qui suscitent le projet de meurtre chez Macbeth, ou l’idée est-elle déjà présente à sa conscience avant qu’il les rencontre ? Entretiennent-elles une affinité particulière avec Lady Macbeth, qui implore les « esprits serviteurs du meurtre » avant le crime ? » Même à la fin de la pièce, leur rôle exact n’est jamais éclairci. Elles incarnent scéniquement cette menace du mal, de la violence monstrueuse qui rôde tout au long de la tragédie.

Ainsi, « les sorcières, mystérieuses, indéfinissables, impossible[s] à localiser précisément ou à comprendre – incarnent le principe d’opacité présent au cœur des grandes tragédies de Shakespeare ». On peut apprécier dans cette analyse qu’elle fonde le mystère et la profondeur du personnage sur une technique dramaturgique simple et efficace.

1. Will le Magnifique,[2004], trad. fr. Paris 2014, p. 386 sq.



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