Micrologies

Classique


François Hartog, en spécialiste de l’histoire culturelle, retrace dans un texte récent l’historique de la notion de « classique » (1) :

Formé sur le latin classis, classicus renvoie d’abord à une classification fiscale. Est par excellence classicus celui qui appartient à la première classe des contribuables. Un classicus scriptor, l’expression est employée une fois par Aulu-Gelle, désigne d’abord un écrivain qui n’est pas proletarius, bon pour être lu par les classici, et non par le peuple. Un écrivain de premier ordre (2).

Il faut attendre le Dictionnaire universel de Furetière (éd. de 1690) pour voir réapparaître des « auteurs classiques » avec le sens plus connu d’auteurs « qu’on lit dans les classes, où qui y ont une grande autorité ». Furetière pense « aux auteurs qui ont vécu du temps de la République, et sur la fin d’Auguste où régnait la bonne latinité » (3). Au XIXe, le terme s’oppose à « romantique », d’abord sur le terrain de la peinture (David). Puis l’expression « Antiquité classique » se spécialise pour désigner la Grèce et Rome avant que le terme ne s’applique à des filières d’enseignement : « classique » contre « moderne ».

Ce qui intéresse le plus Hartog, ce sont les circulations que permet ce terme entre les catégories culturelles. « Ainsi Classique peut jouer comme opérateur culturel, puisqu’il permet à la fois de relier et de discriminer. Classique pourra se dire en effet de certaines périodes anciennes (Athènes au Ve siècle, le siècle d'Auguste, mais aussi Sophocle par rapport à Eschyle et Euripide), comme de certains moments de l’histoire des Modernes (le siècle de Louis XIV, l'époque de Goethe...), étant bien entendu qu’existe un lien particulier, une relation d’élection entre ceux qui, Modernes et Anciens, ont reçu ou revendiqué cette appellation (4). »

Ce qui est important, c’est bien cette « relation d’élection », reste des origines latines du terme, et qui infuse encore aujourd’hui le débat, dans les deux sens, sur le caractère « élitiste » des études classiques.

1.« Le Double Destin des études classiques », in Cécilia Suzzoni et Hubert Aupetit (dir.), Sans le latin, Paris, 2012, p. 353-382 ; repris dans Partir pour la Grèce, Paris, 2015, p. 49-68.
2. Op. cit. p. 56.
3. Cité par Hartog, loc. cit.
4. Ibid.



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