Le Château de l’araignée, film d’Akira Kurosawa (1957), est une transposition assez fidèle de Macbeth dans le Japon médiéval. La brutalité de cette époque de guerres civiles correspond assez bien à celle des âges obscurs du passé écossais évoqués par Shakespeare. C’est, paraît-il, une adaptation théâtralisée avec les codes du théâtre nô, ce qui est difficile à percevoir pour le spectateur occidental. « Macbeth » et sa femme, pour autant que l’on puisse en juger, portent des costumes de convention et pratiquent un jeu très stylisé.
Une des belles innovations visuelles du film, c’est la forêt, forêt enchantée, forêt-labyrinthe qui à la fois protège et cerne le château et où chacun se perd. C’est le séjour de la sorcière, une extension hypertrophique de la forêt en marche au dernier acte de Macbeth. Les sentiers multiples qui la parcourent sont bien sûr ceux de la toile de l’araignée, piège tendu par le destin et qui précipite à leur ruine les hommes qui y sont englués. Mais l’araignée, c’est aussi, indubitablement, « Lady Macbeth », qui s’empêtre peu à peu dans la toile qu’elle a elle-même tissée. Film lent, avec des scènes obsessionnelles, comme celle de deux cavaliers perdus dans le brouillard, qui n’en finissent pas de s’éloigner de la caméra et de repasser devant elle.
Le film est une réflexion sur le mal : « Lady Macbeth » apprend à son époux à le reconnaître en lui comme sa pulsion profonde et à le laisser se développer, jusqu’à ce qu’il les détruise tous deux. La fin est saisissante : le personnage, trahi par ses propres soldats, finit transpercé et cloué par des dizaines de flèches, comme une bête malfaisante.