Micrologies

LE SIÈGE DE SYÈNE (Héliodore, Éthiopiques, IX, 4-5)


Déjà le Nil avait dépassé le grand talus, s'était engouffré dans le fossé circulaire, l'avait envahi de tous côtés et avait transformé en lac l'intervalle entre les deux murs. Et Syéné devint aussitôt une île; elle qui, jusque-là, était au milieu des terres, fut entourée d'eau et baignée par les flots du Nil. Au début et pendant une partie de la journée, la muraille résista. mais lorsque l'eau, à mesure que s'élevait son niveau devint plus pesante, qu'elle commença à s'infiltrer profondément à travers les fissures provoquées dans cette terre noire et grasse par la chaleur de l'été et à pénétrer jusqu'aux fondations du rempart, alors, le soubassement se mit à céder sous la masse et, aux endroits où il s'amollissait et cédait, le mur s'inclinait, et, en vacillant, révélait l'urgence du danger, tandis que les créneaux oscillaient et que les défenseurs étaient secoués par cette tempête qui mettait le désordre parmi eux. Vers le soir, une partie du mur, entre deux tours, s'écroula, sans pourtant que sa chute créât une brèche d'un niveau inférieur à celui du lac ni qu'elle ouvrît un accès à l'eau : mais la différence d'environ cinq brasses entre les niveaux rendait imminente la menace de l'inondation. Alors ce fut parmi les habitants de la ville des gémissements confus qui furent entendus des ennemis eux-mêmes; levant les mains vers le ciel, ils invoquèrent, seul espoir qui leur restât, le secours des dieux […] (trad. d'après P. Grimal).

LE SIÈGE DE NISIBIS (Julien)


Ils commencent le siège en entourant la ville d’un cercle de digues. Le Mygdonius, qui s’y précipite, transforme alors en une mer le terrain adjacent aux murailles, comme on dit que le Nil inonde l’Égypte, et les assiégeants font avancer vers les créneaux des machines dressées sur des barques ; d’autres se préparent à lancer leurs vaisseaux à l’attaque des murs ; d’autres enfin, du haut des remblais, accablent de traits les défenseurs de la ville. Ceux-ci, de dessus les remparts, font une vigoureuse résistance : tout est plein de cadavres, de débris de vaisseaux, d’armes, de traits, en partie s’enfonçant déjà, en partie submergés d’abord par la violence de leur chute, mais ramenés ensuite à la surface des eaux. […] Le lac s’est changé en une mare de sang. Autour des murs retentissent les cris douloureux des barbares, réduits à l’impuissance, mourant de mille morts, criblés de mille blessures. (Éloge de Constance, 22, (trad. J. Bidez.)

De même que quand Hercule, dit-on, marcha contre le monstre de Lerne un cancre de mer se souleva contre lui, ainsi 1.e roi des Parthes franchit le Tigre, investit la ville de travaux de siège, y introduit les eaux du Mygdonius, fait un marais des plaines environnantes, où elle semble une île, avec ses créneaux qui surnagent à la surface, et la bloque à l'aide d'une flotte et des machines que portent les vaisseaux ; et ce ne fut pas l'affaire d'un jour : il reste là, ce me semble, près de quatre mois. Les assiégés, du haut des remparts, en écartent les barbares, incendient les machines avec des brûlots, attirent à eux quelques vaisseaux de dessus les murailles, et brisent les autres par la force d'instruments disposés pour cela, ou les écrasent sous le poids des projectiles, faisant pleuvoir sur eux des pierres qui pèsent sept talents attiques. Après une lutte de longue durée, une partie du rempart, minée par les eaux, tombe et entraîne un pan de muraille d'environ cent coudées. (Constance ou de la royauté, 11, trad. E. Talbot.)



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