Dans la légende britannique, Robin des bois et ses compagnons sont habillés de vert. Il ne faut pas voir là une revendication écologique ou un camouflage forestier. Cette tradition ancienne est rappelée par Walter Scott dans l’« Épître dédicatoire » de son roman Ivanhoé. Cette prétendue dédicace est signée « Laurence Templeton », un de ces pédants de fiction derrière lesquels Scott masque volontiers son anonymat et qui partagent avec lui son amour du passé historique de l’Écosse et de l’Angleterre : il le fait s’exprimer ainsi : « Le vert de Kendal devrait sûrement, bien qu’il remonte à une époque plus ancienne, être aussi cher à nos sentiments que toute la variété des tartans du Nord (1). » Ce qui suffit pour évoquer par métonymie la figure de Robin des bois, qui n’est nommé qu’un peu plus loin. Qu’est-ce donc que ce « vert de Kendal », qui habille les révoltés de la forêt de Sherwood ? C’est une étoffe de laine de couleur verte, fabriquée à Kendal, dans l’ancien comté de Westmoreland, au nord-ouest de l’Angleterre. Le terme est toujours associé aujourd’hui à une couleur gris-vert, assez foncée. À vrai dire, à sa première apparition dans le roman, Robin Locksley est vêtu non de vert de Kendal, mais de « drap vert de Lincoln », autre étoffe traditionnellement associée aux hors-la-loi. Notons aussi que le noble Cédric le Saxon, le père d’Ivanhoé, porte, lui, quand le lecteur le découvre, « une tunique de couleur vert des bois », notation discrète qui le rattache d’emblée aux ennemis du prince Jean et des Normands (2).
Mais la tradition reprise par Scott, d’origine populaire comme toute la légende du brigand au grand cœur, a aussi une source littéraire, que le romancier ne pouvait manquer de connaître. Dans Henry IV (1ère partie), le personnage de Falstaff enchaîne mensonge sur mensonge pour masquer sa pleutrerie : « Mais le diable a voulu que trois misérables, trois fripouilles en drap de Kendal vert (in Kendal green) surgissent dans mon dos et me tombent dessus […]. » Le Prince Hal lui rétorque : « Dis-moi comment tu as pu reconnaître qu’ils portaient du drap de Kendal vert puisqu’il faisait si noir qu’on ne pouvait plus voir sa main ? » Ce qui indique que l’association entre drap vert et brigands allait aussi de soi pour Shakespeare et les spectateurs de son temps.