Dans son essai sur la pilosité en Grèce antique (1), l’historien Pierre Brulé ne manque pas de s’interroger sur la notion de beau, appliquée au corps grecs. p. 381 sq. Son point de départ, c’est Platon, « qui formule à propos de la beauté un avis que les commentateurs jugent très partagé dans son monde » :
Qu’en est-il alors de la beauté féminine, dont Platon ne dit mot ? Cela revient à se demander, poursuit Brulé, pourquoi la femme est au monde.
(On pourrait reconnaître dans ce portrait l’épouse parfaite que décrit Xénophon dans l’Économique, son traité de gestion domestique.)
Comment articuler, se demande alors Brulé, cette « beauté » platonicienne avec « cette autre beauté qui séduit, suscite le désir, répand la kharis » ? C’est là, constate-t-il, que se manifeste la différence entre les genres : « alors que le kalos s’extrait du groupe des autres, eux-mêmes plus ou moins kaloi, par les louanges qu’il reçoit dans l’espace public […], la beauté des parthénoi et des épouses franchit difficilement l’enceinte de leur « maison ». » Les seules femmes dont parlent les auteurs masculins sont les courtisanes et les prostituées, pour lesquelles domine la beauté-kharis, qui est elle aussi fonction de leur rôle et de leur utilité sociale.
Alors que certains travaux actuels tendent à relativiser la sujétion des femmes dans la Grèce antique en mettant en exergue certaines « femmes puissantes » (3), il est étonnant de constater que P. Brulé, dans ces pages comme dans l’ensemble de son ouvrage, souligne, lui, le caractère implacable et général de la domination masculine ; l’historien qu’il est se fait ici, quoi qu’il en dise, anthropologue.