Micrologies

L'Académie


Qu’était-ce au juste qu’une « école » philosophique dans l’Antiquité ? C’est la question que pose l’historien de la philosophie Carlos Lévy (1). L’école philosophique, pour lui, se définit à la fois par un lieu et par une continuité temporelle. Mais l’un et l’autre apparaissent souvent beaucoup moins stables que l’on pourrait s’y attendre.

Platon, par exemple, réunit ses disciples à partir de 387 dans le gymnase préexistant de l’Académie ; plus tard, il acquerra un jardin dans la même zone suburbaine : c’est là qu’il sera enterré. Sa maison y sert de lieu d’habitation et d’enseignement. Cependant, les écoles philosophiques, selon C. Lévy, n’ayant pas le statut de thiase, d’association cultuelle, les successeurs de Platon déménagent au gré des ventes et des héritages, en restant cependant dans l’aire de l’Académie, au sens large.

Cette légère instabilité du lieu va de pair avec une discontinuité temporelle beaucoup plus marquée. L’école fondée par Platon cesse son activité en 88 av. J.-C., quand Philon de Larissa, dernier scholarque, se réfugie à Rome à l’arrivée des troupes de Mithridate. Quand Cicéron séjourne à Athènes un peu plus tard, « l’Académie avait disparu en tant qu’institution, mais elle subsistait en tant que lieu de mémoire » (2).

Entre-temps, l’Académie n’a cessé de se métamorphoser philosophiquement, évoluant vers le scepticisme de la « Nouvelle Académie » de Carnéade. On y trouve bien des maîtres platoniciens, mais aucun projet institutionnel structuré. Le platonisme se dissémine non plus à Athènes, mais dans la partie orientale de l’Empire, à Alexandrie ou en Asie mineure. A la fin de l’Antiquité, le néoplatonisme tente d’affirmer une continuité ininterrompue avec Platon, mais il est lui-même en rupture absolue avec le scepticisme de la Nouvelle Académie.

Pierre Vesperini, quant à lui, souligne la complexité du statut de ces écoles philosophiques, proche de celui des associations religieuses tout en s’en distinguant (3). Sans être une association initiatique (un thiase), l’Académie de Platon associait à un lieu de réunion un culte, celui des Muses, des réunions (banquets, fêtes), un lien de philia entre les participants. Elle est ouverte aux étrangers. Sa spécificité, par rapport aux associations religieuses est que son identité réside dans la personne de son fondateur. Elle n’a pas de statut juridique ; seuls le scholarque et ses successeurs assurent sa continuité. Elle est proche aussi des associations initiatiques dans la mesure où comme certaines d’entre elles, elle propose à la fois un mode de vie (bios) et une voie (hodos). Mais elle s’en distingue par sa visée éducative et politique.

1. « De la Grèce à Rome : l’espace-temps des philosophes antiques », in Christian Jacob (dir.), Lieux de savoir, Espaces et communautés, Paris, 2007, p. 1019-1048.
2. Op. cit., p. 1028.
3. P. Vesperini, La Philosophie antique, Paris, 2019, p. 130 sq.



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