Micrologies

Généalogies hésiodiques


La Théogonie d’Hésiode raconte la naissance du monde et des dieux. Les généalogies qu’elle met en place sont très complexes, mêlant ou opposant des principes très différents : des éléments naturels (Ciel, Terre, Océan), les restes informes et monstrueux du Chaos originel, qui continuent à se reproduire, le cosmos ordonné de Zeus qui a le plus grand mal à s’organiser, avec ses divinités personnelles et anthropomorphiques, mais tout aussi bien de pures abstractions allégoriques (Victoire, Force, Violence).

L’impression que l’on ressent est celle d’une intense prolifération, plus ou moins anarchique, un « après-big-bang » où le monde en expansion se différencie rapidement jusqu’à la perte de l’énergie initiale. La métaphore de l’ « arbre » généalogique convient fort peu ici : la théogonie est dynamique, violente, incontrôlée, incohérente parfois. Cet effet spectaculaire est dû en bonne part à la reproduction prolifique des divinités primaires, dont la fécondité est inépuisable.

Ἐκ Χάεος δ' Ἔρεβός τε μέλαινά τε Νὺξ ἐγένοντο·
Νυκτὸς δ' αὖτ' Αἰθήρ τε καὶ Ἡμέρη ἐξεγένοντο,
[οὓς τέκε κυσαμένη Ἐρέβει φιλότητι μιγεῖσα.]
Γαῖα δέ τοι πρῶτον μὲν ἐγείνατο ἶσον ἑωυτῆι
Οὐρανὸν ἀστερόενθ', ἵνα μιν περὶ πάντα καλύπτοι,
ὄφρ' εἴη μακάρεσσι θεοῖς ἕδος ἀσφαλὲς αἰεί.
Γείνατο δ' Οὔρεα μακρά, θεῶν χαρίεντας ἐναύλους
Νυμφέων, αἳ ναίουσιν ἀν' οὔρεα βησσήεντα.
ἣ δὲ καὶ ἀτρύγετον πέλαγος τέκεν, οἴδματι θυῖον,
Πόντον, ἄτερ φιλότητος ἐφιμέρου· αὐτὰρ ἔπειτα
Οὐρανῶι εὐνηθεῖσα τέκ' Ὠκεανὸν βαθυδίνην
Κοῖόν τε Κρεῖόν θ' Ὑπερίονά τ' Ἰαπετόν τε
Θείαν τε Ῥείαν τε Θέμιν τε Μνημοσύνην τε
Φοίβην τε χρυσοστέφανον Τηθύν τ' ἐρατεινήν
(v. 125-138).

D’Abîme naquirent Érèbe et la noire Nuit. Et de Nuit, à son tour, sortirent Éther et Lumière du Jour [qu’elle conçut et enfanta unie d’amour à Érèbe]. Terre, elle, d’abord enfanta un être égal à elle-même, capable de la couvrir tout entière, Ciel Étoilé, qui devait offrir aux dieux bienheureux une assise sûre à jamais. elle mit aussi au monde les hautes Montagnes, plaisant séjour des déesses, les Nymphes, habitantes des monts vallonnés. Elle enfanta aussi la mer inféconde aux furieux gonflements, Flot — sans l’aide du tendre amour. Mais ensuite, des embrassements de Ciel, elle enfanta Océan aux tourbillons profonds, — Coios, Crios, Hypérion , Japet — Théia, Rhéia, Thémis et Mnémosyne, — Phoibé, couronnée d’or, et l’aimable Téthys (trad. P. Mazon).


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