Micrologies

Aventures coloniales


Les romans d’aventures coloniales sont-ils des romans colonialistes ? On peut se poser la question à la lecture d’Au Cœur des ténèbres de Conrad. Certes, l’auteur ne cache rien de l’exploitation coloniale, des massacres et de l’avidité des conquérants, mais l’Afrique, dans ce roman comme dans d’autres, est surtout un théâtre où déployer les tourments de l’âme occidentale.

Car la faiblesse de ces romans d’aventures, ce sont les aventuriers : les personnages européens sont autocentrés et introspectifs : guindés, poseurs, verbeux, torturés, coupeurs de cheveux en quatre, à l’occasion coupeurs de tête : tels sont Claude et Perken dans La Voie royale de Malraux, tel est aussi Marlow dans Au cœur des ténèbres. Leur verbiage est souvent confus et parfois insupportable ; il se veut profond et n’est souvent qu’obscur. On comprend bien que le cœur des ténèbres doit rester ténébreux, mais la narration fait obstacle à une horreur souvent nommée et peu éprouvée par le lecteur.

Aucun contact réel, aucune vraie fraternité humaine avec les peuples d’Afrique ou d’Orient, même avec un seul d’entre ces hommes : aucune empathie. La relation évoquée entre le Kurtz de Conrad et une femme des tribus premières est montrée comme une transgression barbare et régressive. En ce sens, le Bardamu du Voyage au bout de la nuit est beaucoup plus lucide et incisif que ses collègues.



Site personnel de Dominique Morineau - Hébergé par 1&1.