Dans sa biographie de Théophile Gautier (1) Anne Ubersfeld, qui a la plus grande estime pour Gautier prosateur, ne cesse de dévaluer la production poétique de l’écrivain, qui se caractérise selon elle par une certaine sécheresse et une absence de musicalité. Elle croit déceler l’origine de ce défaut dans une fréquentation abusive de la poésie latine.
Certes, mais à ce compte-là, il faut ajouter que tous les poètes du XIXe siècle ont sucé le latin et la poésie latine avec le lait de leur nourrice, quand ils n’ont pas produit des vers dans cette langue : Hugo, Baudelaire, Rimbaud lui-même… L’explication semble donc quelque peu hasardeuse.
Un peu plus loin (3), Ubersfeld donne un exemple intéressant de cette absence de musicalité, de cette « cacophonie intime », de cette « erreur dans le rythme interne du vers » : elle cite quelques vers d’un poème de jeunesse, « L’Oiseau captif », mais sans en relier spécifiquement les défauts à la fréquentation des poètes latins :
Dans ces vivants souvenirs de jeunesse se glissent, selon elle, de petites dissonances, comme « jaune moisson » ou « brises odorantes » . Sans doute pense-t-elle à la trivialité du premier adjectif, à la légère cacophonie des [z] dans le deuxième exemple. « Maladresses d’enfance ? Hélas non, déficience de l’oreille, étrange, car elle ne se produit jamais dans la prose. »