Micrologies

Portrait de Baldassare Castiglione


Le musée du Louvre conserve le très beau portrait que Raphaël a peint de Baldassare Castiglione, l’auteur du Livre du courtisan, manuel de savoir-vivre aristocratique (1528). Ce tableau est étudié par Alain Pons dans son introduction à cet ouvrage (1). Le portrait, dit-il, est à hauteur du spectateur, dans un espace qui est celui de la conversation. e personnage est vêtu de noir : « Le noir évoque l’austérité et la sagesse de l’humaniste et du "philosophe" […] mais aussi la sobre élégance du "caballero" espagnol, rapprochant ainsi les deux figures dans le "courtisan" se veut la synthèse idéale. » La mode italienne du noir pour le vêtement masculin, au début du XVIe siècle, vient en effet d’Espagne. Elle succède aux couleurs claires et vives du Quattrocento. Les couleurs sont discrètes, mais « la somptuosité des matières, velours et fourrure, suffit à établir la "distinction" ». Peintre et modèle « partagent le même souci d’équilibre, d’harmonie et de "composition" physique et morale ».

Raphaël, Portrait de Baldassare Castiglione, via Wikimedia Commons.

Un croquis de Rembrandt, d’après ce tableau, montre, selon Pons, comment un rien suffit à déranger cet équilibre : la posture, de « calme et timide », devient « presque arrogante » ; le béret est remplacé par un grand chapeau : « Nous sommes dans l’univers du panache, du brio, de la "manière", du baroque. » Au lieu que Raphaël, dans ce portrait emblématique, laisse voir aussi « un homme, son ami, dans ce qu’il a de particulier et de contingent, d’irremplaçablement unique ». Ainsi de ses yeux, « l’un légèrement ironique et amusé, l’autre sans illusion et un peu triste, bon ». On peut trouver un peu trop subtil un tel strabisme psychologique…

Rembrandt, Croquis d'après Raphaël, via Wikimedia Commons.

1. Paris, 1987, coll. Folio, p. III-V.



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