Dans son étude sur l’histoire de la langue latine (1), le savant allemand Wilfried Stroh consacre quelques pages à la place du latin dans l’Allemagne nazie. Rien de comparable avec l’Italie fasciste, où cette langue était mise à l’honneur. Certes, Hitler dans Mein Kampf avait plaidé pour les matières humanistes plutôt que pour les mathématiques et les sciences. Mais en fait, il ne s’intéressait à l’Antiquité « que sous l’angle d’un enseignement raciste de l’histoire ».
Dans la pratique, le mot d’ordre est le suivant : « Le latiniste n’a pas droit à la parole dans le Troisième Reich, le Grec du passé non plus, c’est l’Allemand qui a la parole » (Julius Streicher).
Le nombre de lycées enseignant le latin est fortement réduit, ainsi que les horaires hebdomadaires. « Le choix des lectures est idéologiquement strictement encadré », en premier lieu la Guerre des Gaules de César, et la Germanie de Tacite. Seuls trente pour cent des enseignants de latin et de grec étaient membres du parti nazi ; d’aucuns trouvaient des accommodements avec les interdits.
Du côté des universitaires, les carrières des humanistes traditionnels sont bloquées. Beaucoup font profil bas ou choisissent l’exil, quand ils ont des origines juives. « Un observateur sarcastique fit remarquer après la guerre que Hitler avait été le plus grand promoteur de la philologie classique en Angleterre et aux Etats-Unis ; c’est malheureusement vrai. »