Il y a des citations comme celle-ci qu’on a lues cent fois sans en savoir l’origine. Il aurait suffi pourtant de consulter un vieux Petit Larousse pour la trouver en bonne place dans les fameuses pages roses : Tempus edax rerum provient des Métamorphoses d’Ovide (XV, 234). L’expression prend place dans le grand développement prêté à Pythagore, pape de la métempsycose, qui vient justifier à la fois le sujet et l’esthétique du livre d’Ovide et couronner in fine le grand bal des métamorphoses. Le monde entier, dit le sage, est emporté dans le perpétuel flux du temps qui balaie toutes ses fixités et l’entraîne dans une mort continue :
Le Petit Larousse propose une traduction inexacte : « Le temps qui détruit tout »: l’adjectif edax dérive du verbe edo, manger : le temps ne détruit pas, il dévore, sans quoi on perd la personnification. On préférera donc la version de G. Lafaye dans la C.U.F. :
Mais que faire du génitif rerum, littéralement « des choses », complément de edax (« dévoreur des choses ») ? Paul Veyne explique ce latinisme dans une de ces notes succulentes qui sont sa spécialité (2) et où l’on apprend, entre autres, tant de latin. Il donne à rerum, dans de telles expressions, une valeur généralisante : ce génitif sert de « complément d’objet » à toute sorte de noms (ou ici d'adjectifs) qui appellent une détermination. Il multiplie les exemples empruntés à maint auteur latin : par exemple, « chez Horace, Odes, IV, 15, 17, Auguste est custos rerum, « gardien universel » ; chez Tite-Live, (I, 45, 3), Rome est caput rerum » [capitale du monde].
Une traduction exacte serait donc : « le temps qui dévore tout ». On retrouve le même emploi du génitif dans une autre expression fameuse, empruntée elle à Virgile (Énéide, I, 462) : Sunt lacrimae rerum : « il y a des larmes pour tout ».
Au début du Ve siècle, Rutilius Namatianus fait mélancoliquement écho à Ovide :