En février 2012, l’universitaire Romain Vignest présentait à Villequier, au Musée Victor-Hugo, son travail sur Hugo et les poètes latins (1). Il expliquait notamment comment Virgile avait accompagné la trajectoire du poète romantique, dans une logique et une chronologie qui étaient aussi celles de son œuvre à lui : dans les Odes de jeunesse, on sent la présence des Bucoliques ; dans la maturité, l’influence dominante est celle des Géorgiques ; c’est enfin l’Énéide qui accompagne le passage de Hugo à l’épopée. C’est à Virgile, pourrait-on ajouter par exemple, que Hugo emprunte le titre de son célèbre poème Oceano nox (Les Rayons et les Ombres).
Mais le grand poète latin pour Hugo, soulignait Vignest, c’est Lucrèce, qui va plus loin que Virgile dans une vision totale du monde et de la nature. Comment Hugo le spiritualiste s’arrangeait-il du matérialisme du poète latin ? En distinguant apparemment chez Lucrèce le poète du philosophe et en créditant le premier d’une vision cosmique qui dépasse et contredit les principes de l’épicurisme. Analyse intéressante, qui rejoint par certains côtés d’autres interrogations actuelles sur Lucrèce, comme celles de Pierre Vesperini (2), qui remet en cause l’épicurisme « personnel » de Lucrèce, en le rattachant à une culture encyclopédique de tradition hellénistique. En élargissant sa compréhension du poème de Lucrèce au-delà de celle de l’exposé doctrinal, Hugo aurait vu juste, à sa façon…