Micrologies

« Impressionnisme » ?


L’usage immodéré du terme « impressionnisme », utilisé comme appel publicitaire par des musées en recherche de touristes, finit par se retourner contre ses promoteurs. Ainsi, les coûteuses expositions trisannuelles du Musée des Beaux-Arts de Rouen, pourtant fort intéressantes, attirent-elles, d’une fois sur l’autre, de moins en moins de visiteurs. D’autre part, on entretient ainsi dans le public une regrettable confusion sur l’usage de ce terme galvaudé.

Ainsi, en 2016, le titre de l’exposition rouennaise, « Le Portrait impressionniste » relevait-il de l’abus de langage : qu’avaient à faire sous cette rubrique Cézanne ou Gauguin, sans parler d’artistes beaucoup plus académiques ? « L’Art du portrait à la fin du XIXe siècle », voilà qui eût été beaucoup plus honnête, et beaucoup moins vendeur. Et cela aurait rendu compte du propos intelligent et pertinent des organisateurs : refléter une certaine modernité picturale de la deuxième moitié du siècle : l’art du portrait comme reflet des transformations de la société, s’agissant notamment de la place de la femme. Une partie importante de l’exposition traitait aussi du rôle du portrait dans la sociabilité des peintres (commanditaires, marchands, amitiés et réseaux de solidarité entre artistes). Mais en fait, la technique impressionniste en tant que telle ne jouait aucun rôle spécifique dans cette présentation. C’était cependant l’occasion de découvrir de belles œuvres, comme un ensemble de toiles de Berthe Morisot, peintes à grandes touches à la fois vives et légères.

On pourrait en dire autant, à un moindre degré, de l’exposition   L’Impressionnisme et la mode » du Musée d’Orsay (2012-2013), qui se fût mieux appelée « La Mode au temps de l’impressionnisme », tant son propos était surtout historique : une revue de détail du costume féminin (mais aussi masculin) dans toutes ses variantes, tel qu’il était porté par la bourgeoisie et l’élite sociale : couturiers, modistes, grands magasins, revues diffusaient les nouvelles tendances, qui commençaient à se répandre à un rythme accru, multipliées par les différentes occasions mondaines : robes d’intérieur, d’après-midi, de villégiature, de soirée ou de bal. Et les peintres, alors ? Ils n’ont eu aucune influence sur la mode, mais se sont attachés à en reproduire formes, reflets et couleurs avec autant d’attention que les nuances d’un paysage. Et, c’est vrai, les impressionnistes étaient plus aptes à rendre le moiré d’une étoffe que des artistes plus minutieux et plus plats.

Manet est sans doute le plus mondain de tous ces peintres, et le plus attentif à la robe comme objet. On voyait par exemple La Maîtresse de Baudelaire allongée, où Jeanne Duval étale les plis d’une somptueuse robe blanche (Budapest). Du même, la Nana de la Kunsthalle de Hambourg, qui ne porte certes que des dessous mais possède la robuste sensualité de l’héroïne de Zola.

Édouard Manet, La Maîtresse de Baudelaire, via Wikimedia Commons.


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