Dans la Guerre des Gaules de César, le récit de la reddition de Vercingétorix à Alésia est d’une sobriété qui confine à la sécheresse :
On peut comparer avec la même scène chez Plutarque (v. 45-v. 120 ap. J.-C.) :
Ce deuxième récit « n’a aucune vraisemblance historique » (Constans), la scène « semble avoir été quelque peu arrangée par Plutarque (ou sa source) » (Flacelière). Pourtant cette version est acceptée telle quelle par J. Carcopino, thuriféraire de César et du césarisme (1):
En somme, Carcopino utilise le texte de Plutarque contre celui de César, dans le but de mieux exalter le succès de ce dernier (en valorisant son adversaire). C’est le même Carcopino qui soutenait qu’après l’échec de Gergovie, selon lui relatif et volontairement exagéré par César, le chef romain aurait délibérément simulé la fuite pour attirer les Gaulois vers le piège qu’il leur avait préparé d’avance à Alésia (2).
Dans le chapitre consacré à Vercingétorix par M. Rambaud (3), on trouve une autre interprétation : il constate lui aussi la « concision surprenante » de la scène. Selon lui, « il faut voir qu’écrivain capable de composer une scène dramatique, il n’a pas voulu le faire ici, comme si dépeindre le défenseur de la Gaule aux historiens de l’avenir était étranger à son dessein. » En fait, si l’on suit cet auteur, « le but du Bellum Gallicum est, en somme, de présenter une explication plutôt qu’un personnage ». Quelle explication ? Le traitement du chef gaulois dans l’œuvre obéit à des fins de propagande : en ramenant le patriotisme gaulois à la figure un peu abstraite de Vercingétorix, en en faisant son ennemi principal et pour ainsi dire unique, César pouvait masquer l’ampleur d’une révolte dont le Gaulois n’était que l’un des chefs, et qu’il fallut encore deux longues années à son lieutenant Hirtius pour achever : « En publiant un récit arrêté à l’automne de 52 [juste après Alésia], il a pu amplifier le rôle du chef arverne, fausser la perspective de l’histoire et cacher la résistance de toute une nation. »