Un film de Maurice Pialat (1972) prend son titre à l'émouvant poème qu’Éluard écrivit en 1946 après la mort de sa compagne Nusch :
On peut remarquer que la litote change complètement de sens d’une œuvre à l’autre : chez Éluard, c’est le constat brutal et douloureux d’une séparation qui vient de s’accomplir, celle de la mort. Le « nous », associé à la négation, maintient douloureusement dans les mots un lien qui n’est déjà plus. Le futur prend acte de l’irrévocable qui est déjà advenu.
Chez Pialat, la phrase porte sur l’avenir : le film raconte la séparation annoncée d’un couple qui se désunit, à des rythmes différents pour lui et pour elle. On est ici dans la conscience angoissée de ce qui va arriver, de ce qu’on ne parviendra pas à éviter. Le « nous » est comme celui qui, pour la dernière fois, réunit un couple qui signe l’acte de divorce.
Cependant, la citation n’est pas trahison : qu’elle porte sur le présent ou sur ce qui est à venir, la douleur est la même.
On songe aux remarques de Barthes sur la citation, telles que les analyse Marielle Macé (1).
« D’autant plus justes qu’elles sont fausses » : cette incise semble précisément s’appliquer à Pialat, non pour la forme de la citation, qui est exacte, mais pour la réappropriation créatrice dont elle est le support.