L’excellente biographie de Jean-Marc Hovasse (1), permet de comprendre le fonctionnement de la fascinante machine créatrice hugolienne : un travail acharné et régulier, d’abord, à heures fixes ; une production arborescente ensuite, par fragments-bourgeons, qui se développent et se ramifient en rameaux, branches, arbres entiers. Ainsi pour le poème Dieu, qui restera inachevé et ne sera publié que de façon posthume, en 1891 :
L’œuvre est en perpétuel inachèvement, non par tarissement, mais par surabondance. Dieu, La Fin de Satan se développent en des « codas » sans fin qui parfois se détachent du tronc en boutures autonomes. Tel texte déjà constitué est découpé et ses fragments vont se greffer ailleurs.
Après avoir eu du mal à achever Les Contemplations (mais il avait besoin d’argent), après l’interruption des tentatives de poèmes métaphysiques, Hugo trouve une forme plus adaptée avec les « petites épopées » de La Légende des siècles, dont la discontinuité permet une longueur qui ne soit pas interminable. Tout cela est rendu possible par une pratique assidue de l'éloquence poétique, par cette rhétorique de l’antithèse qui permet à la fois l’abondance et la force. Poésie verbeuse ? Oui, parfois, mais longue en bouche et si goûteuse, lue à haute voix.