Micrologies

Silves


Les Silves de Stace (Ier siècle ap. J.-C.) sont un recueil de poésies de circonstance, pleines de sensibilité mais de qualité inégale. Le premier poème donne une idée défavorable et fausse du recueil : c’est une description de la colossale statue équestre de Domitien, érigée par cet empereur : laborieuse ekphrasis qui sert de prétexte à la plus plate flatterie.

La présence, en tête de l’ouvrage, d’une lettre de dédicace en prose, adressée à Stella, un ami de l’écrivain, semble un reflet du statut subordonné des poètes à l’époque impériale, qui les oblige à chercher l’appui de personnages plus puissants : c’est aussi le cas de Martial, contemporain et ami de Stace.

Cette lettre est une véritable préface au sens moderne, qui explique les enjeux du livre et annonce son contenu : poésie mineure, impromptue. Le poète se vante d’avoir composé ces textes très rapidement, parfois en fin d’après-midi entre le bain et la cena. Cette virtuosité revendiquée est censée donner de l’intérêt aux poèmes en même temps qu’elle en excuse les défauts.

Le terme latin de silva (sens courant : la forêt) semble avoir ici un sens assez voisin de celui de materia (le bois de construction, le matière) : de « forêt », « bois », on passe à « matériau », d’où « esquisse », « brouillon », par où l’on revient à la rapidité d’exécution. On retrouverait alors ici cette distinction qui traverse la littérature antique entre le matériau brut et son élaboration rhétorique. La « silve » serait ainsi au poème achevé ce qu’est le « commentaire » (César) à l’histoire.



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