Dans maint passage du Lancelot en prose, roman du XIIIe siècle, intervient le personnage de Claudas de la Déserte, roi de Gaunes : un prince félon qui a privé Lancelot et ses cousins, Lionel et Bohort, de leur héritage royal.
Claudas est l’opposé du roi Arthur : celui-ci, tel un empereur chinois, se tient immobile au centre de son royaume, qui gravite autour de lui et dont il assure la cohésion par sa seule présence. Il est le point focal de ces alternances d’expansion et de rétraction qui envoient les chevaliers de la Table ronde dans des quêtes lointaines avant de les ramener vers la cour pour les fêtes ou tournois qui y sont organisés. Arthur est dans la joie, plus souvent dans l’inquiétude et la déploration, rarement dans l’action.
Claudas, lui, est un monarque actif. Mais s’il l’est, c’est aussi parce qu’il transgresse les codes et les règles de la fonction royale, qui l’obligeraient à une passivité équanime. Il est actif, donc c’est un traître, qui retient prisonnière, contre le droit, telle suivante de la reine Guenièvre, ou qui envoie ses espions à la cour d’Arthur. Quand il est sur le point d’être vaincu, il abandonne sa ville et les siens, pour s’enfuir à Rome.
Les épisodes où il intervient sont donc des épisodes politiques, au sens machiavélien du mot, mais aussi des épisodes guerriers : batailles rangées et non affrontements singuliers de chevaliers errants. Claudas, en ce sens, est un personnage « moderne », qui pose la question des rapports entre éthique et pouvoir, et celle des « relations internationales ».