Entre les Salons de Diderot et ceux de Baudelaire, Roberto Calasso (1) signale un maillon important : l’Histoire de la peinture en Italie de Stendhal (1817), « pour sa manière impatiente, hâtive, dégagée, de quelqu’un qui est prêt à tout mais non à s’ennuyer en écrivant ». De même que Stendhal avait pillé l’historien italien Luigi Lanzi, Baudelaire s’empare d’ailleurs de quelques passages de Stendhal, non par paresse comme celui-ci, mais "en suivant la règle selon laquelle le véritable écrivain n'mprunte pas mais vole.
Outre un passage entier sur Ingres, il lui emprunte à plusieurs reprises la formule « le Beau n’est que la promesse du bonheur » : notamment dans Le Peintre de la vie moderne. Cependant, Stendhal, lui, « ne se référait pas à l’art, mais à la beauté féminine ». Baudelaire opère donc « un déplacement décisif : Il détourne les mots de Stendhal vers l’art, et, au lieu de "beauté", il parle du "Beau" Désormais, il ne s'agit plus du charme féminin, mais d'une catégorie platonicienne ». Contre la catégorie académique du « beau unique et absolu », Baudelaire entend mettre en lumière la dualité intrinsèque à l’art, qui reflète la dualité de l’homme : la beauté n’est accessible qu’à travers le tempérament particulier et variable d’un artiste.
Mais, s’interroge Calasso, « quel peut bien être le bonheur qui s’annonce dans le Beau ? Certainement pas celui qui a été célébré avec pétulance au siècle des Lumières. Baudelaire, par constitution, ne se sentit jamais d'attirance pour cette voie. Mais de quel autre bonheur peut-il s'agir ? C’est comme si à présent cette promesse du bonheur se référait à la vie parfaite, à quelque chose qui dépasse l’esthétique et qui l’absorbe. »