Micrologies

Le Jardin des Plantes


Ce roman tardif de Claude Simon, paru en 1997, radicalise certains choix d’écriture de l’auteur : un matériau de plus en plus directement autobiographique (les 16 et 17 mai 1940, bien sûr, mais aussi l’enfance parisienne à Stanislas ou les cérémonies officielles consécutives au prix Nobel) ; un parti-pris purement descriptif (des descriptions simples, précises, sans hiérarchie des sensations) ; un savant travail de « démontage » qui établit ou non, à proximité ou à distance, des échos entre les fragments consécutifs. Cela va jusqu’au partage de la page en colonnes, irrégulières, juxtaposant des textes et des moments différents, un peu comme le split screen au cinéma. Mais Simon recherche aussi des simultanéités : les journées de mai 1940 sont évoquées de façon croisée : il donne son propre témoignage, mais recourt aussi aux bulletins de l’armée française, au journal de Rommel ou aux mémoires de Churchill.

Un des moteurs de ce livre, mais aussi de toute l’œuvre de Simon, pourrait-on dire, c’est la révolte : révolte contre un monde humain stupide autant que cruel et injuste ; à quoi s’oppose l’émerveillement sans cesse renouvelé devant la beauté de la nature. Le Jardin des Plantes prend l’allure d’un double réquisitoire : d’abord contre la stupidité des chefs militaires français en 1940, depuis l’état-major (fustigé dans l’évocation d’une rencontre avec Churchill le 16 mai) jusqu’aux officiers de terrain, ineptes, qui préfèrent se suicider ou se laisser tuer. Des extraits du journal de Rommel viennent souligner cette inconsistance du commandement français face à l’efficacité brutale de l’ennemi. L’unité de cavalerie à laquelle appartient Simon finit par faire retraite sans même savoir qu’elle est déjà débordée par les blindés allemands.

L’autre cible du roman, c’est la bêtise totalitaire de l’URSS, avec sa langue de bois hypocrite et insupportable. Gorbatchev n’échappe pas à cette condamnation. Un roman engagé ? Plutôt une œuvre de l’indignation, ce qui est tout aussi fort.



Site personnel de Dominique Morineau - Hébergé par 1&1.