Micrologies

Chaucer et l'acédie


Dans la « Prestation du curé » des Contes de Canterbury, on trouve un développement sur l’acédie (accidia), terme que la traduction d’André Crépin (1) rend par « langueur » .

La définition donnée par Chaucer est intéressante, parce qu’elle est très hétérogène, mêlant des considérations d’ordre fort différent : c’est d’abord et avant tout un péché, qui « porte tort à Jésus-Christ en supprimant le dévouement que l’on doit au Christ », et qui entraîne un manque de dévotion. Mais l’acédie a aussi des effets physiologiques : immobilisme et lourdeur, somnolence. Ses manifestations psychologiques ne sont pas moins redoutables : hésitation, manque d’élan, paresse, crainte, désespoir, négligence, oisiveté, tarditas (sorte de procrastination), fainéantise, froideur, pessimisme enfin (tristicia). Contre l’acédie, le remède est le courage (fortitudo).

La morale développée par Chaucer n’a rien d’original, si l'on en croit l’introduction de cette édition : elle reprend divers traités moraux antérieurs. Ce qui frappe, c’est la précision avec laquelle sont désignés les symptômes d’un mal moral aussi bien identifié que la colère ou l’orgueil, et qui pourtant a entièrement disparu de la typologie ultérieure des défauts et des vices, où il s’abâtardit en paresse. C’est un mal propre à la vie religieuse ; on peut se demander si ce n’en est pas même l’un des effets négatifs.

Il faut attendre les cours de Barthes au Collège de France pour voir une tentative de ressusciter l’acédie, dans une perspective plus large…

1. Paris, 2000.



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